Les cryptomonnaies, initialement perçues comme un phénomène de niche réservé à quelques passionnés de technologie, ont rapidement gagné en notoriété. Pour les économies émergentes, elles représentent une opportunité unique de répondre à des problématiques financières et sociétales profondes. Cependant, leur adoption pose également des questions à la fois pratiques et stratégiques. Dans la suite on va explorer ensemble les opportunités et les défis que les cryptomonnaies présentent pour les économies en développement, avec un focus particulier sur l’expérience du Salvador, pionnier dans l’adoption du Bitcoin.
L’adoption des cryptomonnaies dans les pays en développement : une solution à des problèmes structurels
Les pays émergents font souvent face à des infrastructures financières sous-développées, des taux élevés de personnes non bancarisées et des devises locales fragiles. Ces facteurs créent un terreau fertile pour l’émergence des cryptomonnaies comme solutions alternatives. Par exemple, en Afrique subsaharienne, où près de 60 % de la population adulte reste non bancarisée, les cryptomonnaies offrent un accès rapide et peu coûteux aux services financiers. Des projets tels que Celo et Stellar se concentrent sur la fourniture de paiements transfrontaliers à moindre coût, réduisant ainsi la dépendance aux systèmes traditionnels souvent onéreux. D'autre part, l'Amérique latine illustre également cet engouement. Des pays comme le Venezuela et l'Argentine, frappés par une hyperinflation galopante, voient dans le Bitcoin une échappatoire à la dépréciation de leurs monnaies locales. La stabilité relative des cryptos par rapport à des économies fragiles incite de nombreux habitants à utiliser ces actifs pour préserver leur pouvoir d'achat.
Le Salvador, cependant, est allé encore plus loin.
Le Salvador : l’expérience Bitcoin
En septembre 2021, le Salvador est devenu le premier pays au monde à adopter le Bitcoin comme monnaie légale, aux côtés du dollar américain. Cette décision audacieuse, initiée par le président Nayib Bukele (le dictateur le plus cool du monde comme il aime s'appeler !), visait à stimuler l’économie, attirer les investissements étrangers et réduire les frais de transfert pour les Salvadoriens vivant à l’étranger. Pour encourager l’adoption, le gouvernement a lancé Chivo Wallet, une application de portefeuille numérique soutenue par l’État, offrant 30 dollars de Bitcoin à chaque utilisateur inscrit. De plus, il a construit une infrastructure incluant des distributeurs automatiques Bitcoin et des points de paiement à travers le pays.
Cependant, cette adoption forcée n’a pas fait l’unanimité. De nombreux Salvadoriens, peu familiers avec les technologies numériques, ont exprimé des réticences. Les commerçants se sont souvent heurtés à des problèmes techniques et à une volonté limitée d’accepter le Bitcoin, malgré les obligations initiales imposées par la loi. Face à ces critiques et à une adoption à petite échelle, le gouvernement salvadorien a finalement changé sa politique. Le Bitcoin est aujourd’hui une monnaie facultative et non obligatoire. Bon, cela a aussi été demandé par le FMI pour pouvoir lui accorder un pret de 1.4 Milliards de dollars !
Malgré ces défis, le Salvador continue de miser sur le Bitcoin comme moteur de développement économique, notamment grâce à des initiatives comme "Bitcoin City", une zone économique spéciale alimentée par l’énergie géothermique des volcans pour le minage. La recherche d'énergie efficiente pour le minage est toujours plus d'actualité.
Inclusion financière : une opportunité majeure
L’adoption des cryptomonnaies a un potentiel significatif pour favoriser l’inclusion financière. Dans les économies émergentes, où les institutions bancaires sont souvent inaccessibles, les cryptos permettent de contourner ces barrières. Tout ce dont un utilisateur a besoin, c’est d’un smartphone et d’une connexion Internet pour accéder à un portefeuille numérique. Les cryptomonnaies réduisent également les coûts des transferts de fonds. Selon la Banque mondiale, les frais de transfert traditionnels vers les pays en développement atteignent en moyenne 6,3 %. Les cryptos, quant à elles, permettent des transferts quasi-instantanés à des frais minimes, offrant une bouée de sauvetage à des millions de migrants qui soutiennent leurs familles restées au pays.
Par ailleurs, la possibilité de micro transactions via la blockchain ouvre la voie à de nouvelles opportunités économiques. Les travailleurs freelances, par exemple, peuvent être payés en Bitcoin pour des projets transfrontaliers sans les délais ou les frais liés aux institutions bancaires.
Les défis et risques pour les économies émergentes
Malgré leurs avantages potentiels, les cryptomonnaies posent plusieurs problèmes pour les économies émergentes.
Volatilité : l’instabilité des prix reste l’un des principaux obstacles à leur adoption. Le Bitcoin, par exemple, peut perdre ou gagner des pourcentages significatifs en l’espace de quelques heures. Pour des populations dépendantes de leurs économies d’échelle, cette imprévisibilité est un frein majeur.
Vulnérabilité à la fraude : les escroqueries et les piratages sont fréquents dans l’écosystème crypto. Dans des pays où la connaissance numérique est faible, les utilisateurs sont particulièrement vulnérables.
Enjeux réglementaires : les gouvernements des économies émergentes ont des réactions mitigées face à l’essor des cryptos. Certains les considèrent comme une menace pour la stabilité économique et imposent des restrictions sévères. D'autres adoptent une approche plus pragmatique, en cherchant à réguler l’utilisation des cryptos tout en exploitant leur potentiel.
En Inde, par exemple, les régulateurs oscillent entre interdictions et régulations prudentes. En revanche, des pays comme le Nigéria ont adopté des monnaies numériques de banque centrale (CBDC) pour contrer l’essor des cryptos privées tout en bénéficiant des avantages de la blockchain.
Perspectives pour l’avenir
Les cryptomonnaies représentent à la fois une opportunité et un défi pour les économies émergentes. Si elles peuvent révolutionner l’inclusion financière, leur adoption doit être accompagnée d’une éducation numérique accrue, de cadres réglementaires clairs et d’une transparence accrue. L’expérience du Salvador illustre bien les promesses et les limites de cette révolution. En fin de compte, les cryptomonnaies ne sont ni une solution miracle ni une menace intrinsèque. Leur impact dépendra de la manière dont elles seront intégrées dans les économies et adoptées par les populations. Les économies émergentes ont donc tout à gagner à comprendre et utiliser cette technologie, mais elles doivent le faire avec prudence et vision. C’est un équilibre à trouver pour que les cryptomonnaies deviennent un moteur de croissance plutôt qu’un facteur de risque.