Ce mois-ci j’aimerais aborder un fléau de notre époque digitale : le bullshit des réseaux sociaux. Quand on prend du recul, ce bullshit s’est déplacé d’un monde réel vers un monde digital. En effet, ceci a toujours existé et nous le verrons au cours de cet article. Les réseaux sociaux n’ont rendu que plus visible ce phénomène. Encore une fois, les comportements humains restent sensiblement identiques à l’échelle de plusieurs générations.

Ouvrez Facebook, Instagram, Linked In ou encore Tik Tok.

Un de vos amis a posté une photo de lui tout souriant depuis les Seychelles.

Un collègue vient d'annoncer une promotion dans son job.

Une connaissance affiche à quel point il aime sa femme, en lui souhaitant son anniversaire depuis un restaurant étoilé et très réputé.

Un inconnu sur Linked In affiche un gros chiffre d’affaires pour son année.

La vie peut être dure. Mais les réseaux sociaux n’en montrent souvent que la gloire. De nombreuses relations heureuses sur Facebook ne sont pas aussi aimantes qu’elles le paraissent. De nombreux professionnels fiers sur LinkedIn souhaiteraient pouvoir changer de job. Oui, un post ou une photo sur les réseaux sociaux ne représente qu’une fraction de la vie d’une personne. Mais notre cerveau a tendance à la généralisation qui est un processus souvent biaisé. Dans le cas d’un traitement erroné d’une information, on parle de biais cognitif. Et le biais de généralisation est l’un des biais, si ce n’est celui, qui nous touche le plus. La généralisation, en soi, a du bon. Par exemple, elle permet d’abord une certaine protection face à une menace en généralisant des situations vécues comme dangereuses. La généralisation permet aussi, pour le cerveau, de consommer moins d’énergie. Généraliser consommera toujours moins d’énergie que d’analyser. Le cerveau ayant pour but de consommer le moins d’énergie possible. Question de survie archaïque.

Cependant, ce que nous percevons d’un évènement ou d’une information est rarement juste. Environ 90% de nos pensées sont… Fausses. Et vu que le changement demande plus d’énergie, nous avons tendance à rester dans cette généralisation biaisée. De plus, ceci peut venir nourrir des schémas de fonctionnement négatifs pour la personne et créer ou alimenter de l’anxiété. Ce n’est pas le cas de tout le monde, mais comparer les points forts des autres à votre vie quotidienne peut vous donner l’impression d’être « nul » voire pire, si vous perdez la perspective. Peut-être vous êtes-vous senti rabaissé par rapport à ce que vous voyiez ? Ou alors que quelque chose vous échappait ? Ou encore peut-être avez-vous ressenti une anxiété nouvelle ou décuplée du fait d’être « en retard » pour votre vie ? La comparaison peut blesser. Mais est-ce bien rationnel de se comparer sur des fractions de vie issues des réseaux sociaux ?

Les mêmes comparaisons déformées par vos propres biais, règles, croyances et schémas, peuvent s’appliquer à vos investissements. La généralisation traverse les différents domaines de votre vie.

Par exemple, votre chef pourrait dire : « J'ai gagné 200 % sur le Bitcoin l'année dernière. Son prix est désormais de 45 000 $. Cela pourrait être vrai. Mais s’il avait acheté à 64 000 $ en 2021, au point le plus haut, il ne partagerait peut-être pas cet exploit…

D’autres, comme votre responsable des affaires médicales pourrait se vanter sur des gros coups réalisés sur quelques actions en vogue cette année. Ils n’avoueront pas les fois où ils ont perdu.

Vous ne saurez jamais comment vos investissements se comparent à ceux des autres. Mais à travers les hauts et les bas de plusieurs années de marché, la plupart des gestionnaires de fonds spéculatifs (hedge funds) écraseront vos amis qui spéculent seuls.

« Pourquoi tu parles de hedge funds », demandez-vous ? J'y reviendrai dans un instant.

Pour l’instant, sachez que votre responsable des affaires médicales (qui sélectionne les actions en parallèle) perdra probablement face au gestionnaire de hedge funds typique au cours des 10 à 30 prochaines années. Votre chef (le fan de crypto) fera probablement de même.

Contrairement à vos collègues et amis, les gestionnaires de hedge funds n’investissent pas à temps partiel. Ils sont formés pour trouver des pierres précieuses et gagner de l’argent pour les investisseurs. Ils achètent des actions, des cryptomonnaies, des obligations, des biens immobiliers, des œuvres d’art et d’autres « investissements alternatifs ». Ils peuvent « vendre à découvert » (parier à la baisse) des actions s’ils pensent que le marché se dirige vers les tréfonds. Ils peuvent profiter de ce pari si les actions s’effondrent.

Les spéculateurs professionnels, en tant que groupe, ont battu les spéculateurs amateurs. C’est pourquoi le gestionnaire de hedge funds typique battra probablement vos amis et collègues.

Là où je veux en venir : vous ne verrez jamais ces spéculateurs professionnels sur les réseaux sociaux.

Le Dr Thomas Stanley, économiste universitaire et théoricien des affaires a passé sa vie à étudier les millionnaires. C’était l’un des grands sujets d’études de son laboratoire. Il retranscrit ses recherches dans son excellent livre « the millionaire next door » et les résultats de ses multiples études pourraient vous surprendre.

Dans ce livre, vous en apprenez plus sur le portrait-robot typique du millionnaire. Alors quel est-il ? La majorité des millionnaires achètent des grosses voitures, s’habillent en Prada achètent des montres de luxe et possèdent une grande maison. Ou pas ! Ses études réalisées sur plus de 30 ans montrent que les millionnaires font tout le contraire de ce que je viens de dire. Ce sont des gens travailleurs, qui ne dépensent pas à outrance pour les choses et restent très discrets. Ils ne connaissent pas l’ostentatoire. Il y a bien entendu des exceptions mais il s’agit d’une infime minorité.

Oui, ce sont des gens discrets et travailleurs. Et là encore, vous ne retrouverez pas sur les réseaux sociaux. Et d’autant plus s’ils sont issus des classes sociales les plus basses. La majorité des millionnaires le sont devenus en démarrant de la classe moyenne ou basse. C’est un fait. Et ceci me permet de faire le lien avec la comparaison à la vie des autres, outre le fait que le raisonnement et la généralisation sont le plus souvent biaisés. Même si, une fois, ou deux, le raisonnement et bien réel et la généralisation juste, demandez-vous : d’où part cette personne dans la vie ? Même si la majorité des gens deviennent millionnaires depuis la classe moyenne ce sont les plus discrets. Quand bien même, nous ne démarrons pas tous du même niveau dans la vie et cette vidéo est en l’allégorie parfaite.

L’égalité des chances, la méritocratie n’existent pas. Il a été maintes fois démontré, mais ceci a été oublié, que patrimoine social, plus que seulement dans une vision pécuniaire, est la variable qui influe le plus sur l’accès aux « classes supérieures ». Le réseau, la famille plus que l’argent sont beaucoup plus déterminant pour mener à ce qui est perçu socialement comme étant « la réussite ». Et ça malheureusement, vous n’y pouvez rien. Vous pouvez alors faire l’avocat du diable et reprendre un fameux adage de Bill Gates « ce n’est pas votre faute si vous naissez pauvre. En revanche, si vous mourez pauvre, c'est votre erreur ». Et bien non. Les études sociologiques démontent ce genre de dogme. Et c’est là que vous comprenez que les études sur le passage d’une classe sociale à une autre fait du sens. En effet, il faut 6 générations en moyenne en France pour changer de classe sociale. Gagner plus que ses parents ou avoir une meilleure situation n’a jamais suffi. Le patrimoine social, culturel est bien plus important comme facteur pour passer le cap. Un article de presse sur l'ascenseur social résume le rapport cité avant.

Alors oui, certains ont brisé la moyenne de ces études pour changer de classe. Mais il existe un facteur commun à tous ces gens. Plus le point de départ est bas, plus la prise de risque a été importante. Ne l’oubliez jamais, des résultats exceptionnels surviennent lors de prises de risques exceptionnelles. Aussi bien dans la vie que dans vos investissements. Êtes-vous prêt à faire « all-in » pour atteindre rapidement vos objectifs ? Peu de gens en sont réellement capables.

Lorsque vous savez et avez réellement intégré tout ça, quel est l’intérêt de se comparer aux autres, ainsi que ses investissements avec les autres ? A la fois conduit par ses propres biais et croyances, quel en est la résultante ? Positive ? Par la motivation que cela génère ? Ou négative par le stress et le sentiment d’infériorité que cela procure ?

Une fois que vous avez éliminé de votre esprit tous les bullshiteurs des réseaux sociaux et vaincus vos biais, rappelez-vous que vous ne partez pas du même point dans la vie que les autres. La chose la plus saine, ne serait-ce pas de se comparer à soi-même de plusieurs années sur d’autres ? N’est-ce pas déjà pour vous inespéré, ou pour votre famille, que vous gagniez plus qu’eux, ou que vous fassiez quelque chose que vous parents auraient aimé faire ? Tant au niveau travail que des études ? Que vous soyez dans votre situation actuelle ?

Les réseaux sociaux ont comme effet néfaste de se décentrer de soi. Au lieu de s’observer, on observe les autres. Mais peut-être est-ce un évitement vis-à-vis de l’image (biaisée) que vous avez de vous-même ? Je ne sais pas, seul un psychothérapeute pourra vous répondre !

Maintenant, voici la partie intéressante sur vos investissements :

Vous pouvez écraser les performances de la plupart des gestionnaires de hedge funds au cours des 10, 20 ou 30 prochaines années. Tout ce dont vous avez besoin est un portefeuille diversifié de fonds indiciels et d’un calme zen, loin des biais. Ajoutez de l'argent chaque fois que vous en avez. Ne spéculez jamais. Gardez toujours le cap.

D’autres se vanteront de réaliser de gros bénéfices, de temps en temps. Mais ces gains importants ont généralement un revers. Cela s’applique aussi bien aux amateurs qu’aux professionnels.

Par exemple, un gestionnaire de hedge funds peut gagner 20 % par an pendant plusieurs années consécutives, avant de se retrouver en slip. S’il perd 70 % après une grande course, par exemple, il devra gagné 233 % pour revenir à l’équilibre.

C’est ironique, mais les investisseurs professionnels qui recherchent des opportunités intéressantes obtiennent généralement de faibles rendements sur le long terme. Et investir est un jeu à long terme.

En 2023, selon l’indice composite HFRX, la performance des hedge funds mondiaux était en moyenne de 6,9 % cette année-là.

Avec un portefeuille diversifié de fonds indiciels (ETF monde), vous auriez facilement obtenu ce rendement. Mais revenons plus en arrière : 10 000 $ investis dans des hedge funds entre 2003 et 2023 seraient passés à 12 559 $.

Pendant ce temps, un portefeuille extrêmement conservateur de fonds indiciels (50 pour cent d’actions mondiales, 50 pour cent d’obligations mondiales) a transformé les mêmes 10 000 dollars en 37 728 $. Un portefeuille alloué à 80% aux actions mondiales et à 20% aux obligations mondiales a transformé 10 000 $ en 51 616 $.

« Mais attends ! » vous dites. « Les hedge funds facturent des frais élevés. Si leurs frais étaient nuls, auraient-ils obtenu d’excellents rendements, non ? »

Et bien non.

Les hedge funds facturent généralement aux investisseurs 2 % par an, plus 20 % de tout bénéfice. Cela signifie qu’entre 2003 et 2023, les investisseurs en hedge funds ont payé des frais de 2,8 % par an.

Si les gestionnaires de hedge funds travaillaient gratuitement, leurs investisseurs auraient gagné en moyenne 3,9 % par an, au lieu de 1,1 %.

Non, les gestionnaires de hedge funds ne sont pas stupides. En fait, ils sont plus avisés financièrement que la plupart des gens que vous connaissez.

C’est pourquoi il ne faut pas spéculer.

Au cours de votre vie, vous aurez de meilleures chances de battre Teddy Riner, que de battre un portefeuille de fonds indiciels.

Quand les gens parlent d’argent, c’est comme les publications sur les réseaux sociaux. Ils partagent rarement les gadins.