Etes-vous déjà resté paralysé devant une décision ?
Un job à accepter ou refuser.
Un message à envoyer ou à taire.
Ces moments minuscules qui décident du reste.
Toutes les décisions ne se valent pas.
Certaines ont peu d’importance… tout simplement parce que leurs conséquences sont minimes.
Mais d’autres peuvent bouleverser le cours d’une vie.
Choisir à qui confier ses finances, où poser ses valises, ou encore avec qui partager sa route, voilà des choix dont les effets se répercutent des années durant.
Et pourtant, peu d’entre nous ont appris à bien décider.
Même les esprits brillants se trompent.
On le voit partout : qu’il s’agisse d’ingénieurs de haut niveau ignorant un défaut technique majeur (comme la NASA avec la navette Challenger) ou d’un ami responsable de la section risque chez Lehman B (c'est une blague) misant toutes ses économies sur la dernière cryptomonnaie à la mode.
Ces erreurs ne viennent pas toujours d’un manque d’intelligence, mais souvent d’une mauvaise compréhension du monde, d’un jugement biaisé… ou tout simplement d’une absence de recul.
Pourquoi décidons-nous si mal ?
Il y a mille raisons, mais cinq ressortent particulièrement :
-Nous agissons bêtement sans nous en rendre compte.
-Nous partons de mauvaises informations.
-Nous utilisons de mauvais cadres de pensée.
-Nous n’apprenons pas de nos erreurs.
-Nous cherchons à « avoir l’air » plutôt qu’à « faire bien ».
Heureusement, il existe des moyens de réduire ces erreurs et d’augmenter nos chances de prendre de bonnes décisions, plus justes, plus lucides.
Mais au fond, quand avez-vous réfléchi pour la dernière fois à votre manière de décider ?
Si vous êtes comme la plupart des gens, jamais. Parce que personne ne vous l’a vraiment enseigné. Ceci s'appelle l'auto observation. Un mot simple pour une pratique puissante : se regarder penser. Et l'une des manière d'y parvenir est l'analyse fonctionnelle, premier concept qu'on nous enseigne en thérapie cognitivo-comportementale (TCC). C'est pour moi, l'une des choses les plus importantes à connaitre dans sa vie. Car bien des blocages, bien des tourments proviennent de ce manque de compréhension. Et dans tous les domaines, professionnels, comme personnels. Lors de nos séminaires c'est l'une des premières choses à laquelle on fait allusion (non je ne cale pas une pub à chaque article c'est juste que je veux insister). Pas de cryptos, pas de bourse, pas d'investissement dans un fût de jus de noix de coco aux Iles Vierges britaniques (pour ceux qui auront la référence...). Juste la connaissance de soi, son environnement et des règles, croyances qui régissent cet environnement et finalement... de soi.
Apprendre à s’observer avant de décider
Donc, en thérapie cognitivo-comportementale, on utilise un outil fascinant : l’analyse fonctionnelle.
Derrière ce terme un peu froid se cache en réalité une clé de lecture universelle : comprendre le mécanisme invisible qui relie nos pensées, nos émotions et nos comportements.
Prenons un exemple :
Vous remettez toujours vos décisions à demain.
En surface, cela ressemble à de la procrastination.
Mais si vous regardez de plus près, vous verrez peut-être une peur de l’échec.
Et derrière cette peur, la croyance qu’« une bonne décision est une décision parfaite ».
Voilà le cœur du travail : apprendre à décomposer la machine.
Chaque décision, bonne ou mauvaise, a ses déclencheurs, ses croyances, ses émotions.
Et tant qu’on ne les identifie pas, on répète les mêmes schémas.
Encore et encore.
C’est ce qu’on appelle le cercle vicieux.
Et l’un des modèles les plus simples pour le comprendre est celui de Charly Cungi.
Il montre comment un événement, une pensée automatique, une émotion et un comportement s’alimentent mutuellement, jusqu’à enfermer la personne dans une boucle.
Mais la bonne nouvelle, c’est qu’en apprenant à tracer ce cercle, on apprend aussi à le briser.
C’est un exercice que je recommande à tout le monde, pas seulement en psychothérapie, mais dans la vie de tous les jours.
Face à un choix difficile, au lieu de foncer tête baissée, posez-vous simplement trois questions 1.Qu’est-ce que je ressens vraiment ?
2.Quelle pensée m’habite à ce moment-là ?
3.Et que vais-je faire si je la crois vraie ?
Faites-le une fois, puis dix, puis cent.
Et vous verrez : la lucidité devient un réflexe.
Parce qu’au fond, s’observer, ce n’est pas douter de soi.
C’est apprendre à se connaître assez pour ne plus être le jouet de ses automatismes.
Et c’est probablement la meilleure décision que l’on puisse prendre.
Je vous encourage à faire cet exercice au moins 1 fois, guidé ou non par un professionnel (de préférence tout de même !). Vous pourriez être très surpris de vos progrès si vous vous exercez régulièrement. Et ce, quelque soit le domaine.
L’art de penser à contre-courant
Dans les années 1980, Warren Buffett et Charlie Munger, deux figures emblématiques de la finance ont dû faire face à une crise sans précédent : la faillite annoncée du secteur des caisses d’épargne américaines. Alors non, ce n'est pas la banque éponyme française mais tout de même un équivalent américain, du moins historiquement dans leurs fonctionnements. On parle de Savings and Loans associations (S&L) qui sont des banques accordant des prêts hypothécaires contre l'épargne de leurs membres.
Historiquement, les S&L ont été créées pour aider les Américains à devenir propriétaires.
Elles fonctionnaient un peu comme nos anciennes caisses d’épargne ou banques mutualistes françaises (type Crédit Mutuel ou Caisse d’Épargne à leurs débuts).
Les membres y déposaient leur argent (l’épargne) et cette épargne servait à financer des prêts immobiliers pour d’autres membres. D’où le nom : Savings = épargne, Loan = prêt. C’était donc un circuit fermé et local, à vocation sociale : permettre l’accès à la propriété à des familles de la classe moyenne.
Le fonctionnement : elles avaient des règles simples. Accorder principalement des prêts hypothécaires à taux fixe, sur la base des dépôts de leurs clients, avec un encadrement strict par l’État (faibles marges, mais peu de risques). Elles étaient considérées comme sûres et stables pendant des décennies.
Mais dans les années 1970–1980, les taux d’intérêt aux États-Unis ont explosé (jusqu’à 20 % !).
Résultat, les S&L payaient des intérêts très élevés sur les dépôts mais leurs prêts immobiliers à taux fixe rapportaient toujours le même rendement (faible).
Elles perdaient de l’argent à chaque nouveau dépôt. Pour compenser, certaines ont pris des risques énormes (investissements spéculatifs, projets douteux). Beaucoup se sont effondrées.
Cette “Savings and Loans crisis” a été l’une des plus grosses crises bancaires américaines avant 2008.
Mais plutôt que de suivre la foule et d’attendre la tempête, Warren Buffett et Charlie Munger ont choisi une voie différente. En réorientant leur stratégie, ils ont limité l’impact de cette débâcle sur leurs autres entreprises.
Leur secret ? Une discipline mentale fondée sur le bon sens organisé, une pensée claire, rationnelle, affranchie des réflexes collectifs.
Pendant que les autres spéculaient ou cédaient à la panique, eux observaient, raisonnaient, agissaient.
Résultat : ils ont traversé la crise presque indemnes.
Leur attitude nous rappelle une chose essentielle : penser différemment n’est pas un luxe, c’est une nécessité.
Le monde n’est pas une carte
Un général américain, George Patton, l’avait bien compris.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, près de Coutances (Normandie), ses troupes cherchaient désespérément un passage pour traverser la Seine.
Les soldats consultaient leur carte sans trouver d’endroit praticable.
Patton, pragmatique, descendit de son véhicule, entra dans l’eau… et découvrit qu’elle ne dépassait pas la taille.
Morale : le monde n’est pas une carte. Et croire que nos modèles mentaux même bien dessinés collent parfaitement à la réalité, c’est souvent la première erreur.
Des outils pour penser autrement
Certaines approches permettent de mieux appréhender la complexité :
-L’inversion : réfléchir « à l’envers ». Au lieu de demander « Comment réussir ? », se demander « Comment pourrais-je échouer ? ».
-La pensée de second ordre : aller plus loin que la conséquence immédiate et se demander « Et après ? ». Si vous continuez encore et encore avec cette question après y avoir apporté une réponse, vous utilisez la technique des "flèches descendantes", très utilisée en TCC également.
Ces outils, simples en apparence, changent radicalement notre manière d’analyser les situations.
Pour aller plus loin
Voici quelques lectures précieuses si vous souhaitez aiguiser votre discernement :
-Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée de Daniel Kahneman pour comprendre comment nos biais guident nos jugements.
-Poor Charlie’s Almanack et Seeking Wisdom des classiques qui explorent les erreurs de raisonnement et l’art d’apprendre de disciplines variées.
-The Great Mental Models de Farnam Street : un excellent point de départ pour découvrir les cadres de pensée universels qui améliorent nos décisions.
En fin de compte, décider, c’est accepter de douter.
C’est regarder le monde avec humilité, sans prétendre tout maîtriser.
C’est aussi apprendre à faire confiance à une méthode : observer, questionner, inverser, anticiper.
Parce qu’au fond, nos vies ne sont rien d’autre que la somme des décisions que nous avons su, ou pas, bien prendre.
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